Déploiement de la police municipale parisienne
En octobre 2021, à Paris, est apparue la police municipale parisienne. Non armée, sa mission est de veiller à la prévention, la sécurisation et la lutte contre les incivilités. Elle rappelle la police de proximité1 en tissant un lien nouveau avec la population.
En France, on compte environ 4 555 communes, soit environ 13%, ayant une police municipale et environ 24 000 policiers municipaux. Elles sont majoritairement situées dans le Sud-Est. Depuis quelques années, leur nombre et leurs missions sont en nette progression et viennent de fait poser des questions sur l’emploi et les attributions de ces polices.
Une police ancrée dans le paysage municipal
La police municipale apparaît sous l’Ancien Régime (XVI et XVIIIème siècle) pour garantir la souveraineté des communes libres. Après 1789, les pouvoirs de police sont sous la responsabilité des maires. Leur mission est de “faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment la propreté, de la salubrité, de la sûreté dans les rues, lieux et édifices publics”. En 1965, un arrêté décrète qu’une commune de plus de 2 000 habitants peut être dotée d’une police municipale. En 1978, les policiers municipaux peuvent obtenir la qualité judiciaire d’agent de police judiciaire adjoint (APJA). Enfin, en 1999, la loi “relative aux polices municipales” précise leurs missions, reprises dans l’article L511-1 du Code de Sécurité Intérieure (CSI) :
- Assurer le bon ordre, la sécurité, la sûreté, la salubrité et la tranquillité publique
- Bonne application des arrêtés municipaux
- Relevé des infractions routières
- Relevé des infractions au code de la voirie routière, au code de l’urbanisme et autres
C’est l’article R511-12 du CSI qui encadre l’armement des policiers municipaux. Sont ainsi autorisées les armes de catégorie D (aérosols lacrymogènes, matraques), de catégorie C (type flashball compact) et de catégorie B (pistolet 9mm, 7,65 et/ou des revolvers calibre .38). Le choix de l’armement est laissé à la discrétion du maire, qui doit demander l’autorisation en préfecture en cas d’arme à feu. Aujourd’hui, toutes armes confondues, 80% des policiers municipaux sont armés, et 59% ont une arme à feu.
Quelle(s) police(s) municipale(s) dans le futur ?
En octobre 2020, à Nice, un individu poignarde trois personnes dans la Basilique Notre-Dame. Alertés par la population, les policiers municipaux se retrouvent à être les primo-intervenants, pénètrent dans le bâtiment et neutralisent le terroriste. Cette même année, à la suite des élections municipales, certaines communes ont fait le choix de recentrer leur police sur des missions de prévention exclusivement en excluant l’intervention. Ces deux éléments reflètent bien le débat actuel entre une police municipale administrative de proximité, pas forcément armée, et une police armée venant à faire des interventions en lieu et place des forces de l’État.
Légalement, la police municipale reste une police de proximité. En témoigne en 2021 le refus du Conseil Constitutionnel d’élargir leurs champs judiciaires. Le projet de loi Sécurité Globale prévoyait qu’ils puissent relever des infractions de vente à la sauvette, défaut d’assurance, d’usage de stupéfiants, etc. Bien qu’APJA, leurs qualifications judiciaires sont limitées : les policiers municipaux ne peuvent vérifier l’identité d’une personne, ils peuvent dépister (éthylotest) mais ne peuvent vérifier l’imprégnation alcoolique (éthylomètre) et ne peuvent pas non plus accéder aux fichiers des immatriculations et des permis de conduire. Dans une logique d’intervention, les communes ayant plus de cinq agents municipaux peuvent signer une convention avec la Gendarmerie ou la Police du secteur pour déterminer quelles missions relèvent de la police municipale. Il n’y a pas de doctrine nationale à ce sujet, les contours de la convention dépendent des spécificités locales.
En réalité, de plus en plus de police municipale se retrouvent à être dans une doctrine d’intervention et de verbalisation, par volonté politique locale et/ou pour combler une surcharge de travail des services de l’État. Les récentes crises terroristes, sociales (Gilets Jaunes) et sanitaire ont confirmé cette tendance d’une montée en puissance de la police municipale, au point de devenir la troisième force sécurité intérieure car elle remplit de plus en plus de mission de police secours. Cela se traduit par une augmentation des effectifs, des équipements et le déploiement d’unités « spécialisées » : brigades cynophiles, motocyclistes, équipes de nuits, etc.
“La doctrine d’emploi de notre police intercommunale, c’est une police d’intervention”, Michel Ajavon, directeur de la Police Municipale de la Communauté d’Agglomération Val Parisis (95). Si cette doctrine se développe par la volonté de certains élus, elle n’est pas suivie ou validée par une formalisation du rôle des polices municipales dans le schéma national du maintien de l’ordre ou de l’intervention. Cette absence laisse une marge de manœuvre importante selon les territoires et les élus concernés.
Il existe une volonté politique centrale de réinvestir les forces de l’État au plus près de la population, via la Police de Sécurité du Quotidien ou les dispositions prises dans la Loi d’Orientation et de Programmation du Ministère de l’Intérieur qui veulent que la Police et la Gendarmerie puissent être plus présents sur le terrain et plus proche de la population. Si ce réinvestissement est effectif, le positionnement de la police municipale entre police administrative et police d’intervention sera encore plus au centre des discussions. De même que l’articulation avec les forces de l’État. Mais, relevant des pouvoirs du maire, harmoniser les doctrines des polices municipale semble impossible et compliquerait certainement l’adéquation avec les spécificités des territoires.
Si la majorité des polices municipales prennent un virage sécuritaire en renforçant leur équipement et leur armement pour faire face aux nouveaux défis de sécurité, certaines voix essayent de se faire entendre en prônant une police de proximité. Ce débat peut se matérialiser par l’opposition de doctrine entre Paris et Nice.
Une inadéquation entre l’emploi et le cadre légal
On peut constater un écart entre le cadre légal qui, bien qu’incluant une logique d’intervention via les conventions avec les services de l’État, reste majoritairement orienté vers une police administrative et la réalité du terrain où les policiers municipaux sont amenés à remplir de plus en plus de missions de police secours. Ces évolutions interrogent et nécessitent une réflexion pour définir ou redéfinir l’emploi de cette force et adapter ou non le cadre légal conséquence. Cette réflexion implique d’autres questions.
Dans le cas des polices armées et intervenantes, la question de la formation des agents et de leur périmètre d’intervention doit être au centre des préoccupations. De plus, le contrôle est un point essentiel, la police municipale ne disposant pas d’inspection générale (a contrario de la Police ou la Gendarmerie). Dans ce cadre là, se pose également la question de la police de proximité, est-ce qu’une police intervenante a le temps de s’inscrire dans la durée auprès de la population en renforçant le lien police-population ?
À l’inverse, concernant les polices non armées, a priori de fait plus proche de la population, se pose la question de leur capacité de réponse dans un climat de plus en plus sécuritaire et face à des services de l’État confrontés à une surcharge de travail.
1 L’expression “Police de proximité” fait écho à une doctrine d’emploi des services menée de 1998 à 2003 en France qui préconisait une vision de la police recherchant un lien avec la population grâce à une présence accrue sur le terrain. Inspiré du modèle anglais, elle repose sur la prévention, la proximité, le partenariat et la participation à la vie du quartier. La volonté du gouvernement était de lutter contre l’insécurité dans les quartiers tout en nouant un lien avec les populations en cherchant à lutter contre la délinquances par des voies de prévention plutôt que de répression
Clément KAROUBI
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