Mutualisation des CSU et des ressources en cybersécurité, valorisation de la fonction de RSSI, utilisation des drones par les polices municipales… Telles sont les recommandations formulées par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales dans un rapport sur les technologies adopté jeudi 20 janvier 2022. « Les maires, pivots de la sécurité dans leur commune, sont au cœur du ‘continuum de sécurité' », soulignent les auteurs. « Afin d’accomplir au mieux leurs missions de protection de l’ordre public et de prévention de la délinquance, ils peuvent tirer un grand profit du numérique. »
Cinq ans après un rapport consacré aux « nouvelles technologies au service de la modernisation des territoires », la délégation aux collectivités territoriales du Sénat a souhaité poursuivre sa réflexion sur le sujet et a adopté, jeudi 20 janvier 2022, un nouveau rapport, cette fois dédié à la protection des populations. Une partie est axée sur « la protection de l’ordre public », et l’autre sur la sécurité civile.
L’objectif était double, résume un des auteurs, Antoine Lefèvre (LR, Aisne) : « identifier et analyser les bonnes pratiques locales dans ces deux champs de l’action publique locale, à la fois en milieu rural et dans les zones urbaines », et « formuler des recommandations visant, d’une part, à encourager et sécuriser ces initiatives numériques locales, d’autre part, à supprimer ou limiter d’éventuelles entraves à leur réalisation ».
CSU, DRONES, « VOISINS VIGILANTS »
Le sénateur cite, au titre des bonnes pratiques locales, la mise en place des centres de supervision urbains, estimant qu’ils constituent « une illustration particulièrement intéressante de l’intérêt du numérique pour la protection de l’ordre public ». Sont ainsi mises en avant les démarches de Charleville-Mézières, « ville moyenne investie dans la vidéosurveillance » et du département des Yvelines, qui a créé « un CSU intelligent et interconnecté » auquel les communes du territoire équipées de caméras de surveillance peuvent se relier depuis la loi « sécurité globale » du 25 mai 2021.
Dans leur rapport, Antoine Lefèvre, Anne-Catherine Loisier (UC, Côte-d’Or), Jean-Yves Roux (RDSE, Alpes-de-Haute-Provence) se montrent particulièrement enthousiastes sur le couplage de la vidéosurveillance à l’intelligence artificielle , qu’ils estiment être une « voie prometteuse ». Ainsi, au CSU des Yvelines, les agents « sont la plupart du temps face à des écrans noirs, qui ne s’allument que lorsque les algorithmes détectent une situation anormale dans l’un des lieux surveillés », écrivent-ils.
Autre bonne pratique mise en avant par les élus : l’utilisation de drones par les polices municipales, comme à Istres (Bouches-du-Rhône), « commune pionnière » qui a acquis deux drones au début de l’été 2020. Admettant que ces déploiements ont été faits sur « des bases juridiques fragiles », les sénateurs prévoyaient de suivre « avec vigilance » l’expérimentation de cinq ans introduite dans le projet de loi « relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure », mais le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure dans une décision publiée le même jour que le rapport.
Les rapporteurs plébiscitent en outre le dispositif « Voisins vigilants », qui « paraît présenter un bilan coût/avantages très intéressant ». Près de 700 mairies ont souscrit à l’offre, proposée par l’entreprise du même nom, qui permet de signaler un danger via une application et des SMS. Son président, Thierry Chicha, préconise de l’interconnecter avec le CSU, comme dans la commune de Rognac (Bouches-du-Rhône).
UN « DIRECTEUR STRATÉGIQUE DE LA SÉCURITÉ NUMÉRIQUE »
Si ces innovations « ne sauraient être envisagées comme des expériences à généraliser », les élus formulent des recommandations pour « accentuer » et « sécuriser » la numérisation des collectivités. Ils préconisent avant tout de « recourir aux nouvelles technologies de manière rigoureuse, en réalisant un bilan coût/avantages actualisé et public », indique Anne-Catherine Loisier, en insistant sur la nécessité de « mettre en valeur la plus-value du recours au numérique ». « Il ne saurait y avoir de prévention efficace sans information préalable des populations concernées par les risques majeurs », dispose le rapport.
Dans un contexte de pression de la menace cyber, les auteurs invitent à « sensibiliser les élus et le personnel aux enjeux de cybersécurité », afin d’éviter de créer des « colosses numériques aux pieds d’argile ». Il s’agit aussi de « mettre en place des procédures de continuité et de reprise d’activité » en cas d’incident et de « valoriser » la fonction de RSSI, dont il serait « opportun » de faire « un véritable ‘directeur stratégique de la sécurité numérique’, en lien direct avec les élus et chargé d’une veille permanente sur la cybersécurité ». Les élus appellent en outre « à veiller à la sécurisation des données ».
RENFORCER LA COOPÉRATION ÉTAT / COLLECTIVITÉS
Ils recommandent par ailleurs de « développer les usages numériques en pleine conformité avec le principe de subsidiarité », autrement dit de « confier la compétence numérique à l’échelon qui assure la meilleure veille technologique, qui dispose des meilleures compétences et qui est le plus efficace en termes de cybersécurité ». Pour eux, il peut s’agir « soit du niveau intercommunal soit départemental ». « Cela permettrait aux petites collectivités, identifiées comme des ‘maillons faibles’, de bénéficier, par l’effet de la mutualisation, d’une protection numérique renforcée. »
En particulier, les rapporteurs encouragent les élus à « mettre en commun des agents de police municipale dans le cadre des CSU ». « L’objectif est double : d’une part, amortir le coût de réalisation de ces centres, d’autre part, de suivre des images dans une zone géographique aussi étendue que possible. » Mais cette idée se heurte « à la crainte des maires de se voir dépossédés de leur pouvoir de police ». De fait, un « faible » nombre de villes moyennes se lancent dans ces projets, selon l’association Villes de France, qui en évoque deux, dans les communautés d’agglomération d’Ajaccio et de Mont-de-Marsan.
Enfin, le rapport appelle à renforcer la coopération entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État, comme le préconisait déjà la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales en janvier 2021. « Ce qu’on souhaite, c’est attiser une vraie culture du numérique sur les territoires », insiste Anne-Catherine Loisier, pour qui le manque de coordination peut se révéler un « frein à ces innovations émergentes ». Pour les sénateurs, la concertation est particulièrement « essentielle » dans le domaine de l’alerte des populations, dans la mesure où le nouveau système d’alerte déployé en juin 2022 nécessitera « une communication efficace et hyper-réactive entre les maires et les services préfectoraux ».
Source : AEF Info, dépêche numéro 666282
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