« Je souhaite que nous puissions ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire ». Cette déclaration du Président de la République le 25 avril 2019 s’inscrit dans la continuité des débats qui ont eu lieu partout en France suite à la crise des « Gilets Jaunes ». Il s’agit d’un point de départ de la rédaction de la loi 3DS relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale qui a été promulguée le 21 février 2022.
La volonté de la loi est de prendre en compte les spécificités locales dans l’application de certaines dispositions légales tout en respectant le principe d’égalité dans le pays. Ainsi, on « simplifie l’action locale, différencie les solutions, rapproche l’État du terrain, lève les freins inutiles et facilite le quotidien des collectivités et de leurs élus », d’après Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des Territoires.
L’élargissement et la simplification de la différenciation
La Constitution, au travers de son article 72 alinéa 4, prévoyait déjà la possibilité pour une collectivité de se saisir d’une compétence ne relevant pas de son champ d’action pour l’adapter à son territoire, c’est le droit à l’expérimentation. Mais ces dérogations étaient particulièrement encadrées. La loi 3DS veut renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités, donc leur possibilité d’édicter des règlements dans des domaines qui ne leurs sont pas dévolus de base, pour adapter des dispositions législatives et réglementaires nationales aux réalités du terrain. À titre d’exemple, les communes et les EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale) pourront encadrer l’implantation d’éoliennes sur leur territoire via le plan local d’urbanisme, au niveau commune ou intercommunal (PLU et PLUI). En parallèle, les collectivités pourront faire le choix de déléguer une compétence à une autre collectivité dans le cadre d’un projet commun, alors que seule une convention était possible jusque-là. La collectivité qui reçoit les compétences est placée de fait comme chef de file du projet.
La différenciation se retrouve également dans le transfert des compétences des communes vers les EPCI. La loi prévoit que chaque commune puisse négocier avec l’EPCI référant pour choisir quelles compétences facultatives seront transférées (voirie, tourisme, eau, etc.). La question délicate autour du transfert de la compétence « Eau et assainissement » est repoussée puisque les négociations seront possible entre les communes et l’EPCI pour déterminer si la compétence est déléguée ou non. Cependant, à compter de 2026, le transfert vers l’EPCI sera obligatoire.
La décentralisation des transports
Les transports et la voirie font l’objet de nouvelles dispositions. Il est prévu dans un premier temps une réflexion au sein des EPCI pour distinguer la voirie d’intérêt communautaire de celle d’intérêt communal. De cette distinction découle la gestion et l’entretien de ces routes à la commune ou à l’EPCI. Dans un second temps, les départements et les métropoles, ainsi que les régions dans une moindre mesure, pourront, sur la base du volontariat, se voir transférer la gestion d’une partie des routes nationales. Ce transfert sera accompagné d’une compensation financière par l’État. Cette mesure, applicable sur 10 000 km de route est une expérimentation prévue pour une durée de 8 ans. Enfin, les collectivités seront en mesure, avec l’accord du préfet, de procéder à l’installation de radars automatiques.
Si les régions ne sont pas prioritaires sur la gestion du réseau routier, elles se voient déléguer en revanche la propriété, et de fait la gestion et l’entretien des « petites lignes » ferroviaires.
Entérinement des logements sociaux
La loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), du 13 décembre 2000, prévoyait que chaque commune dispose d’au moins 20% de logements sociaux. Ce dispositif, qui devait prendre fin en 2025 est prolongé mais offre également des possibilité d’adaptation pour chaque commune. C’est dans cet objectif qu’est créé le « Contrat de Mixité Sociale » qui déterminera les objectifs et les moyens en fonction de la situation de la commune à la suite d’une discussion entre le maire, le préfet et le président de l’intercommunalité. Pourront être exemptées de logements sociaux les communes répondant à des critères d’isolement et ayant une attractivité faible. En parallèle des actions sur les logements sociaux, la loi prévoit un prolongement de l’expérimentation sur l’encadrement des loyers jusqu’en 2026 et la possibilité de l’étendre à certaines zones. Enfin, les EPCI peuvent être reconnus comme Autorité Organisatrice de l’Habitat (AOH).
Rapprocher l’État des territoires
La loi va renforcer le rôle des préfets sur les agences d’État. De fait, le Préfet de département devient délégué territorial de l’Office Français de la Biodiversité et le Préfet de région devient délégué territorial de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie).
L’objectif est également de renforcer l’accès à l’ingénierie de l’État pour les collectivités, notamment les plus petites avec des moyens réduits, en facilitant leur accès au Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Il est également proposé une prise en charge du financement du RSA par l’État dans certains départements volontaires.
Simplification de l’action publique
La simplification de l’action publique se traduit par plusieurs mesures dans des secteurs variés. Elle s’applique dans un premier temps pour l’usager, avec la doctrine « dites-le nous une fois » qui a pour vocation à être développée et entérinée en facilitant le transfert de données entre les administrations.
Dans un second temps, elle concerne les élus. Les règles de conflits d’intérêts des élus représentant leur collectivités dans des entreprises sont clarifiées afin de sécuriser les élus. La visioconférence va être pérennisée avec la possibilité d’y recourir pour les assemblées délibérantes des régions, départements et intercommunalités. Enfin, les élus locaux font l’objet d’allègement de leurs déclarations à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), et les élus qui quittent leur poste dans un délai de 2 mois après leur prise de fonction seront exemptés de faire une déclaration.
La réforme de la métropole Aix-Marseille Provence
La Métropole fait l’objet d’une réorganisation et d’une nouvelle répartition de ses compétences. Ainsi, les Conseils de Territoire, organes intermédiaires entre les communes et la métropole, vont disparaître. Un certain nombre de compétences jugées de proximité vont être restituées aux communes pour que la métropole se concentre sur les projets métropolitains. Les compétences concernées sont, entres autres, le tourisme, la voirie communale, le soutien aux activités commerciales qui ne sont pas d’intérêt métropolitain. La Chambre Régionale des Comptes pourra émettre des avis sur les relations financières entre les communes et la métropole. Ce plan s’accompagne d’un investissement massif pour la rénovation des écoles de la ville de Marseille.
Pour aller plus loin
D’autres aspects sont évoqués par la loi, comme le renforcement du rôle des collectivités territoriales en matière sanitaire, le renforcement et la simplification de la coopération transfrontalière, l’extension de l’Opération Revitalisation des Territoires, etc.
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Auteur : Clément KAROUBI
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