La centrale de Gravelines (59) finira-t-elle sous les eaux ?

Placée à quelques centaines de mètres de la Mer du Nord, la plus grande centrale de France et de l’Europe de l’Ouest pourrait être menacée par la montée des eaux et par les phénomènes climatiques extrêmes. Face à ce risque, EDF a investi 35 millions d’euros pour protéger la centrale avec des digues et des dispositifs anti-submersion. Cette problématique nous interroge de manière sur le futur des communes littorales en France confrontées à l’érosion du littoral et à la montée des eaux.

Image utilisée à des fins d’illustration – Crédit : Wostemme – Pixabay

L’érosion du littoral, un phénomène naturel accentué par les activités humaines

Les origines de l’érosion du littoral en France sont diverses : l’action répétée des vagues sur les côtes, les épisodes venteux ou encore les tempêtes marines. Ces événements favorisent le déplacement des sédiments, ce qui entraîne une modification et un recul du trait de côte. D’après le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, on entend par trait de côte « la ligne portée sur la carte séparant la terre et la mer […] qui marque la limite supérieure atteinte par leur (les vagues) mouvement sur la plage ». Concrètement, il s’agit de la séparation entre l’espace maritime et l’espace continental. Au-delà des phénomènes climatiques, l’érosion est favorisée par les activités humaines. En effet, la dénudation des surfaces à la frontière entre terre et mer favorise le mouvement des sédiments, la concentration des écoulements d’eaux modifie les tracés naturels d’évacuation et les constructions côtières limitent la circulation naturelle des sédiments sur le littoral. Ces éléments participent activement à l’accélération du phénomène d’érosion.

En parallèle, les littoraux sont devenus un pôle d’attractivité résidentielle et économique : on y trouve une densité de population 2,5 fois plus élevée que la moyenne nationale. Cette forte densité entraîne une multiplication des activités économiques sur le littoral. Face au risque de submersion, les collectivités disposent de plusieurs outils. Le plus connu reste la digue, gérée par les Établissements Publics de Coopération Internationale (EPCI), mais qui est particulièrement coûteuse et devient difficile à supporter dans un contexte de réduction budgétaire. Les collectivités préfèrent se tourner vers des solutions naturelles via l’implantation de végétaux sur les littoraux pour limiter le déplacement des sédiments ou le dépôt de sable pour compenser ces déplacements. Enfin, elles font parfois le choix de la dépoldérisation*, de « céder du terrain », en laissant la mer revenir dans certaines zones.

Crédit : Lmarez – Pixabay

La France face au risque de submersion marine

La France, entre la métropole et les territoires d’outre-mer, compte environ 20 000 km de littoral dont 22% sont soumis à un phénomène d’érosion. Plus précisément, 650 km de littoral sont en recul : la mer gagne du terrain sur la terre. Aujourd’hui le Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) estime que jusqu’à 50 000 logements littoraux pourraient être menacés d’ici 2100, soit une valeur de 8 milliards d’euros.

Ce risque est traité en partie par la loi « Climat et Résilience » du 24 août 2021 dont un décret d’application a été publié le 30 avril 2022. Ce dernier identifie 126 communes particulièrement exposées au risque de submersion marine. Cette liste comporte majoritairement des communes de la façade atlantique (Biarritz (64), Agon-Coutainville (59), etc.) mais également du bassin méditerranéen (Cassis (13), Èze (06), etc.) et des collectivités d’outre-mer (Cayenne (97), La Trinité (972), etc.). Vous pouvez retrouver l’ensemble des communes concernées en cliquant sur ce lien. Ces 126 communes sont considérées comme prioritaires dans une liste, révisée tous les 9 ans, de 864 communes « plus particulièrement vulnérables » au risque submersion marine. En tout ce sont environ 1,5 million d’habitants qui vivent dans ces zones. Le delta entre les deux nombres (126 et 864) est expliqué par le fait que cette classification de commune prioritaire est soumise au conseil municipal. Certaines ont donc fait le choix de ne pas rejoindre ce dispositif pour ne pas se rajouter des contraintes ou par crainte d’effrayer les acteurs économiques (touristes, habitants, entreprises, etc.)

La loi prévoit que les 126 communes doivent établir, si ce n’est pas déjà fait, un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) et une carte d’exposition de leur territoire au recul du trait de côte. Le PPRL est le fruit d’une co-construction entre les services de l’État et les services municipaux. Il est réalisé à l’initiative du Préfet et par ses services mais il est transmis pour consultation au conseil municipal et est soumis à une enquête publique. À terme, il est approuvé par arrêté préfectoral. Il a pour vocation de déterminer sa zone d’application et d’édicter dans cette zone des règlements d’urbanisme : interdiction de construire dans les zones fortement exposées et autorisation sous certaines conditions dans des zones modérées. Après approbation, il est annexé au Plan Local d’Urbanisme et s’applique de fait à l’ensemble des acteurs.

L’esprit de la loi est de penser l’urbanisation en anticipant la relocalisation des habitants et des activités exposées au risque de submersion. Ainsi, dans les zones estimées à risque d’ici 30 ans, toutes les nouvelles constructions seront interdites sauf pour les services publics. Pour les zones exposées d’ici 30 à 100 ans, les constructions seront autorisées mais avec une obligation de démolition à terme. Il s’agit là d’une disposition générale, liberté est laissée aux communes de restreindre plus sévèrement les permis de construire.

En parallèle, d’autres outils sont déployées pour faire face au risque d’érosion :

  • Droit de préemption des communes
  • Bail d’adaptation à l’érosion côtière
  • Dérogation à la loi Littoral

Les communes pourront préempter l’achat de biens dans les zones particulièrement exposées pour mener avec plus de libertés les actions pour limiter l’érosion. Les propriétés de l’État, de la commune ou de l’EPCI pourront faire l’objet d’un bail d’adaptation à l’érosion côtière allant de 12 à 99 ans. La particularité est que la résiliation est possible en cas d’avancée de la mer mettant en péril les personnes et les biens. Cependant, à l’issue, le propriétaire doit démolir les constructions et dépolluer le terrain. Enfin, les communes pourront déroger à la « Loi Littoral » (05/01/1986) en s’affranchissant de la disposition les obligeant à construire dans la continuité des constructions existantes. Cette dérogation, accordée par le représentant de l’État, s’applique uniquement pour la relocalisation des biens et si ce n’est pas possible de construire dans la continuité de l’existant.

*Dépoldérisation : un polder est un espace conquis sur la mer à des fins d’agriculture en asséchant un espace clos. La dépoldérisation est le phénomène inverse, on permet à la mer de reprendre ces zones.

Pour aller plus loin

Cliquez ici pour « L’érosion du trait de côte » – Loi Climat et Résilience – Ministère de la Transition Écologique – Avril 2022

Cliquez ici pour “Littoral français : 126 communes font face au danger de l’érosion » – France Télévision – Mai 2022

Cliquez ici pour “Érosion du littoral : un plan de prévention pour les communes les plus touchées » – Gouvernement – Mai 2022

Auteur : Clément KAROUBI