Le 20 mars 2023 le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a publié la synthèse de son dernier rapport sur le changement climatique. Ce rapport est une synthèse de sept années de travail et d’analyse du changement climatique et une consolidation des connaissances scientifiques.
Un des rôles du GIEC est également de proposer des scénarios à l’échelle nationale afin de présenter les solutions existantes pour atténuer les effets du changement climatique. Chaque Etat membre du GIEC possède un organisme national qui fait le lien permanent entre l’Etat et le Groupe d’experts. En France c’est l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC). Les travaux du GIEC sont scientifiques, techniques, et se concentrent sur les impacts globaux du changement climatique.
En complément du GIEC, des GIEC locaux se développent afin de mieux prendre en compte les spécificités régionales des impacts du changement climatique et de répondre aux besoins des décideurs locaux. Appelés les Groupements Régionaux d’Experts sur le Climat (GREC), ils sont souvent composés d’experts locaux et peuvent appuyer les élus régionaux, départementaux, intermunicipaux et municipaux.
Le développement de GREC.
La création des GREC a été encouragée par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). Leur objectif est de permettre une étude des vulnérabilités d’un territoire vis-à-vis du changement climatique tout en mettant en lumière les spécificités d’une région. Ces vulnérabilités sont d’ordre environnemental mais également d’ordre social et économique. Ces organismes sont directement inspirés du GIEC international.
Le premier à voir le jour en France est le GREC nommé Acclima Terra, avec la volonté du Président de la Région Nouvelle-Aquitaine, monsieur Alain Rousset, lui-même aidé du climatologue Hervé Le-Treut, universitaire reconnu et expert du GIEC, et aujourd’hui président du comité scientifique régional Acclima Terra.
Ce projet est né à la suite d’une mission d’expertise en 2011 sur “Les impacts du changement climatique en Aquitaine”, donnant lieu à la publication d’une synthèse, menant à la création de Acclima Terra en 2016.
L’intérêt d’un tel processus est d’avoir des informations plus concrètes puisque directement appliquées au niveau territorial. Les vulnérabilités annoncées au niveau international par le GIEC peuvent être directement observées sur le territoire ce qui pousse certainement à la prise de décision.
Aujourd’hui presque chaque région française possède un GREC et il en existe même pour certains besoins spécifiques. Par exemple, le GREC-Sud, qui existe dans la région Provence Alpes Côte-d’Azur (PACA), met en place des organismes spécifiques pour les parcs naturels régionaux ainsi que pour les massifs montagneux.
Des publications spécifiques.
Les GREC publient des documents relatant une certaine évolution du climat, notamment les températures sur plusieurs décennies afin de mettre en avant le réchauffement climatique. L’intérêt est de mettre en évidence des spécificités régionales et les impacts précis du changement climatique à l’échelle territoriale. En effet, les chiffres mis en avant par l’Etat sont généralement des moyennes prenant en compte la totalité du territoire français. Par exemple, le GREC de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a publié une analyse comparative sur l’évolution de l’humidité des sols.
Evolution du cycle annuel de l’humidité du sol sur la région PACA entre la période de référence 1961-1990 et deux horizons temporels sur le XXIe siècle selon un scénario SRES A2 (source Météo-France, Climat HD)
Les publications abordent également des enjeux tels que le numérique ou les énergies renouvelables. Certaines régions prennent également en compte des considérations liées plus spécifiquement à l’humain, la population, avec ce que l’on appelle la psychologie sociale.
L’importance du scientifique dans la prise de décision.
Ces GREC permettent également de sortir du débat politique et de permettre aux décideurs régionaux de prendre en compte des considérations purement scientifiques pour décider des mesures à mettre en place sur leur territoire. Les experts scientifiques sont garants d’une information scientifique et apolitique.
De plus, le changement climatique paraît moins abstrait puisque les vulnérabilités mises en lumière sont celles qui s’observent de manière importante. Les problématiques climatiques internationales paraissent plus proches et la définition d’une stratégie de résilience s’avère nécessaire.
Ces comités scientifiques regroupent généralement des universitaires de la région, des personnes qui ont donc travaillé sur les questions climatiques, et des experts, le plus souvent pour des questions un peu plus précises en fonction des régions.
Cependant, les biais économiques et politiques peuvent être très prégnants dans les régions et ces considérations peuvent parfois prendre le dessus. En effet, c’est ce que soulignent certains experts dans La Gazette des Communes le 17 mars 2023.
Un problème de financement.
Un problème qui apparaît cependant est le financement de ces GREC. Pour l’instant les scientifiques travaillent bénévolement auprès de ces instances régionales ce qui conduit à un fonctionnement à deux vitesses. D’un côté nous avons des GREC comme celui de Nouvelle-Aquitaine, pionnier en la matière, qui a 370 collaborateurs (scientifiques et experts locaux) ou encore celui de la région PACA qui en a 300, et d’autres régions, en France, qui n’ont qu’une trentaine de collaborateurs.
D’après Virginie Raisson-Victor, une solution pourrait être un financement par l’Etat, notamment au travers du Ministère de la Transition écologique, dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique. Ce Plan a pour objectif de limiter l’impact du changement climatique, notamment dans le domaine socio-économique. Le but est d’anticiper ses effets pour en atténuer la gravité. Ce Plan a été décidé au niveau national et en concertation avec l’ONERC dont nous avons parlé plus tôt.
Un premier plan a été mis en place en 2011, pour une durée de 5 ans, et un second en 2017, également pour une durée de 5 ans.
Des améliorations nécessaires.
Un autre problème que nous pourrions avancer est le fait que les territoires, au sein même d’une région, ne sont pas totalement égaux.
Il est en effet important de souligner une différence majeure qui existe au sein des régions : les inégalités entre les zones rurales et les zones urbaines. Nous pouvons par exemple souligner que les villes sont plutôt touchées par des problématiques de pollution, notamment de l’air, tandis que les campagnes connaissent plus particulièrement des problèmes de sécheresse des sols et des cours d’eau.
Une solution à ce problème pourrait être la création de GREC inter-régionaux qui traiteraient de problématiques liées aux catégories de territoire et non plus seulement liées à une région.
Une autre problématique intéressante est la question des territoires d’outre-mer. En effet, la France possède le deuxième domaine maritime mondial, point important pour l’économie mais qui pour autant nécessite des considérations spécifiques. En effet, la métropole française subit le changement climatique mais ce dernier prend une ampleur toute particulière dans les territoires d’outre-mer.
C’est pour cela que la Guadeloupe a créé Synergîles, pôle d’innovation spécialisé dans la transition énergétique et écologique qui regroupe la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.
Finalement les GREC ou GIEC locaux mettent en avant l’importance de l’adaptation au changement climatique. Pendant de longues années, la principale préoccupation des Etats était d’atténuer les effets du réchauffement climatique. Aujourd’hui, il s’agit, en complément, de s’y adapter. L’objectif des GREC est d’apporter des solutions permettant à un territoire et à ses populations d’être résilients. Cette stratégie s’inscrit dans un temps long et prend notamment en compte les scénarios avancés par le GIEC international. Finalement, les collectivités territoriales n’agissent plus uniquement par des dispositions de résilience organisationnelle, qui consiste principalement en des mesures de prévention et de planification mais également par des mesures relevant de la résilience structurelle, dont l’objectif est de réduire le risque global et les vulnérabilités par l’adaptation permanente.
Léa BRUGERE LAUZE
Pour aller plus loin:
AcclimaTerra. Comité scientifique régional sur le Changement climatique.
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, “Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC)”, 9 mars 2022.
https://www.ecologie.gouv.fr/observatoire-national-sur-effets-du-rechauffement-climatique-onerc
Article référencé au Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 17 avril 2023.
Sources:
“Le cahier Climat” in GREC-SUD, mai 2015.
“Climat : en France, l’essor des “GIEC régionaux”, B. Langlois, in L’Express, 3 avril 2023.
https://www.lexpress.fr/environnement/rechauffement-climatique-en-france-lessor-des-giec-regionaux
“Comité scientifique sur le climat : GIEC local” in COP21 Métropole RouenNormandie.
https://www.notrecop21.fr/comite-scientifique-sur-le-climat-giec-local
“Comment le GIEC se décline dans les territoires” in Climatico, 16 février 2021.
https://www.climatico.fr/comment-le-giec-se-decline-dans-les-territoires/
“L’heure des GIEC locaux a sonné”, B. HÉRAUD, in La Gazette des communes, 17 mars 2023.
https://www.lagazettedescommunes.com/857717/lheure-des-giec-locaux-a-sonne/
“Lancement d’un GIEC régional dans les Pays-de-la-Loire” in Le Comité 21 Grand Ouest, 1er octobre 2020.
http://www.comite21.org/grand-ouest/le-reseau-des-adherents/actus-regionales.html?id=14024
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, “Adaptation de la France au changement climatique”, 13 avril 2022.
https://www.ecologie.gouv.fr/adaptation-france-au-changement-climatique
“Synthèse du rapport du GIEC : l’urgence climatique est là, les solutions aussi” in Réseau action climat France, 20 mars 2023.
1011-art
Merci pour votre synthèse. En partage sur ce sujet, un commentaire sous forme de dessins : « Vanité », dont le rapport du GIEC est à l’origine : https://1011-art.blogspot.com/p/vanite.html
Et « La robe de Médée », en conséquence directe, la perte de la biodiversité : https://1011-art.blogspot.com/p/la-robe-de-medee.html