Les Pays-Bas, un territoire particulièrement exposé

À Rotterdam, comme dans une grande partie des Pays-Bas, l’eau est une richesse mais également un risque. En effet, si la ville tire des bénéfices de son port, le plus grand d’Europe, 80% de sa superficie est sous la niveau de la mer et de fait exposée au risque d’inondation. Ainsi, en 1953 une inondation a fait plus de 1 800 morts, inondée 47 000 logements et en a détruits 10 000. Autant d’éléments qui ont favorisé le développement de la culture du risque et son intégration dans la vie de tous les jours. Par exemple, tous les enfants néerlandais doivent apprendre à nager.

Avec le changement climatique, qui se caractérise par des événements plus réguliers et plus intenses, en plus de la montée globale des températures. Par sa position et sa géographie, les Pays-Bas et donc Rotterdam sont particulièrement exposés aux risques d’inondation par submersion, le niveau de la mer pouvant s’élever dans 1 mètre à 1 mètre 50 d’ici à 2100. Se combine à ce risque, les risques d’inondation par débordement en cas de pluie importante du fait de l’imperméabilisation des sols, commun à toutes les grandes villes.

Face à ces risques, les Pays-Bas ont pris un certain nombre de mesure pour réduire l’exposition de sa population tout en en optant pour de nouvelles approches.

Des investissements pour limiter les risques

A Rotterdam, le port est protégé par un robot géant. S’il n’a pas de corps, le Maeslantkering dispose de deux bras articulés d’une longueur de 210 mètres chacun et d’une hauteur de 22 mètres. Installé sur la Nieuwe Waterweg, il est conçu pour se fermer en cas d’événement pouvant conduire à une inondation. Le seuil est placé à 3 mètres au -dessus du “niveau normal d’Amsterdam”, niveau dé référence 0 de la mer pour les Pays-Bas. L’infrastructure est pilotée automatiquement par un ordinateur et peut se fermer en 2 heures. Pour décider de la fermeture, l’ordinateur reçoit des données météorologiques et maritimes toutes les 10 minutes. Depuis sa mise en service en 1997, le Maeslantkering s’est fermé à deux reprises, en 2007 et en 2018

Source : World 66 – Lien

En 2007, les Pays-Bas ont également lancé un programme “Room for the River”. Ce plan national d’investissement prévoit de redonner aux fleuves leurs lits naturels et de prévoir des zones inondables en cas d’afflux d’eau. Ce programme, qui a touché 30 sites, prévoit également l’élargissement et le creusement des fleuves.

Au-delà de ces investissements spécifiques dans la gestion des risques, les Pays-Bas et notamment Rotterdam ont pris une longueur d’avance dans la notion de ville résiliente en développant des quartiers dans lesquels la limitation des risques est conjuguée au développement social.

Rotterdam, une “ville éponge”

Aujourd’hui, Rotterdam accueille des experts de nombreux pays qui cherchent à comprendre et à s’inspirer des solutions mises en place. En effet, la ville a fait preuve d’un certain nombre d’innovations pour limiter les risques tout en gardant la ville attractive.

L’installation la plus connue est sans doute “Water Square”, qui est une place à double effet. Sur un lieu qui était laissé à l’abandon, on y retrouve ne période sèche des terrains de sport, un skatepark ou encore des jardins qui permettent de créer des lieux de détente et de loisir pour les citoyens. Son utilité change du tout au tout en temps de pluie, en effet, la plupart des évacuations d’eau sont dirigées vers cette place et Water Square se transforme en bassin de rétention afin de limiter l’afflux dans les égouts. Inaugurée dans un quartier défavorisé, Water Square, dont la conception a mis à contribution les habitants, participe à la revitalisation des lieux. Si c’est la place de ce type la plus connue, il en existe 2 autres à Rotterdam et d’autres projets sont en cours.

© Roel Dijkstra Source : Le water square : la place à la pluie!, Emmanuel Rondia, Un pointcinq.caLien

Autre aspect majeur, le quartier BoTu qui, depuis 2018, construit avec ses habitants des projets communautaires visant à accroître la qualité de vie grâce au concept de communs énergétiques.

Autre élément participant à l’augmentation de la résilience urbaine, la lutte contre l’imperméabilisation des sols en replaçant le “vert” au coeur des villes. Cela se traduit par un investissement dans la végétalisation des murs et des toitures, par la création de parcs et jardins pluviaux ou encore la sensibilisation des particuliers pour les inciter à investir dans ces changements. Une fois de plus, Rotterdam est en avance dans ce domaine notamment au travers des toits verts. À titre d’exemple, une ancienne gare ferroviaire a été transformée en centre commercial dont le toit est entièrement végétalisé. Ce sont en tout 1 000 mètres de verdures qui ont été installés de manière à ce que les habitants puissent en profiter. Il en est de même pour le toit de l’Hôpital Erasmus, dont les 3 000m2 ont été transformés en jardins dans lesquels les patients peuvent se rendre. Ces toits verts présentent des avantages, le premier est de faire profiter aux habitants de nouveaux espaces, le deuxième est de permettre des retenues d’eau afin de ne pas submerger les égouts et le troisième est d’améliorer l’isolation thermique des bâtiments. On voit également apparaître des potagers solidaires pour favoriser la cohésion de quartier et la consommation locale.

Cette végétalisation a inspiré d’autres communes, comme la Ville de Paris au travers de son projet Oasis qui consiste à transformer les cours d’écoles et de collèges pour les rendre plus vertes. Certains élus seraient d’avis de végétaliser les rues a proximité des lieux sensibles (écoles, hôpitaux, maisons de retraites) pour limiter la pollution. Cette initiative s’inscrit dans un plan plus vaste de stratégie de résilience, comme nous l’avons décrit dans cet article.

Les Pays-Bas, qui ont toujours investi dans des ouvrages pour lutter contre les eaux ont dû faire preuve d’adaptation face au changement climatique. En effet, si les risques d’inondations augmentent, les risques de sécheresses sont également bien présents. Les Néerlandais doivent donc gérer l’eau différemment, ce n’est plus qu’un problème mais également un enjeu. Cette capacité d’adaptation renvoie à la notion de résilience structurelle, soit l’adaptation permanente qui permet de réduire les vulnérabilités globales sur le long terme. L’objectif est proche du concept du concept de développement durable, mais il s’en distingue dans le sens où il caractérise les idées de vision intersectorielle, d’anticipation, de réduction de la vulnérabilité, qui doivent être intrinsèques aux choix présentes. C’est une vision de long terme avec une action immédiate qui doit revenir au niveau des grands choix stratégiques pour rendre l’organisation plus résiliente.

La résilience structurelle est une approche plus holistique de la résilience. Cette approche permet in fine une meilleure analyse des risques et des menaces en essayant de détecter les émergences à moyen et long terme et de mettre en place une “réponse forte aux signaux faibles”, règle de base dans les organisations de haute fiabilité, et de développer, dès à présent, des contre-mesures qui permettent d’agir tout autant sur les causes que sur les conséquences.

Rotterdam et les Pays-Bas font figure d’exemple dans le monde, de nombreuses délégations internationales, à l’instar de la Ville de Paris, s’y rendent pour découvrir, comprendre et s’inspirer des initiatives néerlandaises.

Clément KAROUBI