Le 29 novembre dernier, Mme Pénélope Komitès, adjointe à la Maire de Paris, chargée de l’Innovation, de l’Attractivité, de la Prospective Paris 2030 et de la Résilience, était l’invitée du Petit déjeuner mensuel au restaurant du Sénat du Haut comité français pour la Résilience nationale (HCFRN) pour échanger sur la refonte de la stratégie de résilience de la Ville de Paris. L’évènement était présidé par M. Jean-Yves Cousin, membre du Bureau du HCFRN et animé par M. Christian Sommade, délégué général.

M. Jean-Yves Cousin introduit la problématique en faisant référence à l’ouvrage La Maison résiliente de Didier Flipo et Rémi Richart qui définit la résilience comme étant la capacité à opérer un changement de vie. Selon eux, plus nous sommes autonomes, plus nous sommes résilients. Pour cela, il faut évaluer préalablement ses besoins en eau, en énergie et en alimentation pour produire ce que l’on consomme. Cela nous responsabilise. Il serait intéressant de transposer cela à une grande métropole.

Mme Pénélope Komitès introduit la thématique avec le constat de multiples crises sur le sol parisien. À chaque crise on a le sentiment qu’on était prêt à tout sauf cette crise là. A titre d’exemple, la capitale a subi une multiplication de crises ces dernières années de natures très différentes et difficile à anticiper : attentats en 2015, épisodes de canicule en 2015, 2019 (avec atteinte de 43°C) et 2022, crues de 2016 et 2018, incendie de Notre-Dame de Paris en 2019, mouvement des gilets jaunes en 2018-2019, épidémie mondiale du COVID-19 à partir de 2020, sans oublier le nouveau contexte de guerre aux portes de l’Europe en Ukraine et la crise énergétique et économique qui en découle.

Ces dernières années, les crises sont arrivées là où on ne s’attendait pas. Aujourd’hui la population attend des pouvoirs publics, en particulier du maire*, qu’il soit en capacité de de les anticiper et de les gérer au mieux quand elles surviennent.

Pour mieux préparer les villes aux futures crises et réduire leurs impacts, le volet gestion de crise est essentiel**, mais il est également important de définir une stratégie d’adaptation à plus long terme. Outre l’aspect négatif déjà connu des crises, Mme Pénélope Komitès souligne que ces crises servent souvent de “levier d’anticipation de politiques publiques” et permettent de renforcer la résilience globale une fois maîtrisées.

Dès 2014, la Ville de Paris réfléchit au nouveaux aux défis de notre époque : raréfaction des ressources, déclin de la biodiversité et augmentation des inégalités. L’idée est de développer une approche transverse qui soit basée sur le long terme et d’élaborer des réponses qui dépassent les crises. C’est ainsi qu’est bâtie la première stratégie de résilience de la ville en 2017. La fondation Rockefeller supporte le projet dans le cadre du programme des 100 villes résilientes. A l’époque, 35 actions sont définies basées sur trois piliers et couvrent plusieurs domaines.

Les trois piliers de la stratégie de résilience de la Ville de Paris en 2017 (Source).

Une des actions phares de cette stratégie sont les cours Oasis qui visent à débitumer les cours de récréation des écoles. Depuis 2021, certaines ont été ouvertes aux habitants pour qu’ils puissent également en profiter. Le but est d’établir d’autres lieux d’échanges et d’animation afin de renforcer le tissu social. Une des autres actions a été la mise en place du programme de Volontaires de Paris dans divers domaines d’action tels que les maraudes. Des formations avec les pompiers de Paris ont également été proposées aux volontaires pour apprendre les gestes de premiers secours.

Suite aux dernières crises qui ont été traversées, en 2022, Madame la Maire a souhaité relancer la stratégie de résilience afin de continuer à préparer de manière pérenne la capitale à faire face à des événements extrêmes. La nouvelle stratégie s’appuie plus amplement sur les parisiens. Elle a été dévoilée le 19 octobre 2022 à l’Hôtel de ville et se projette jusqu’en 2050.

La nouvelle stratégie se base sur 35 actions de résilience sur des thématiques de climat, de risques socio-environnementaux, de résilience économique, de résilience financière, de résilience alimentaire, et de problématiques de cybersécurité.

Les Quatorze thématiques prioritaires (source)

Des études ont également été lancées sur le capital social des parisiens, sur une pénurie d’eau et sur l’immigration climatique. Parmi les livrables de cette stratégie, sera également refait :

  • le plan local d’urbanisme bioclimatique ;
  • Le plan climat ;
  • Le plan de santé environnemental ;
  • Le plan biodiversité.

Il a été constaté que la population comprend mieux ces sujets, mais il convient de continuer à mieux préparer les parisiens aux situations de crises. Un citoyen résilient est un citoyen qui ne panique pas et qui est formé. C’est pourquoi des mesures doivent être identifiées, implémenter en amont et les expliquer à chacun. Le DICRIM est un des outils primordial pour informer et accompagner les personnes à agir et faire face aux situations inhabituelles. Les plans communaux et intercommunaux de sauvegarde sont également des mécanismes qui doivent être bien travaillés et optimisés pour aider les principaux acteurs à prendre les bonnes décisions au bon moment.

Pour mettre en œuvre cette démarche participative et collaborative, Paris travaille avec les territoires voisins tels que le département de la Seine-Saint-Denis et la métropole du Grand Paris. Le but est de ne pas limiter le périmètre des actions au périphérique, et d’inclure l’ensemble des parties prenantes dont à fortiori l’Etat et la préfecture, les grands opérateurs d’infrastructures, les bailleurs sociaux, les syndicats de copropriétés, les têtes des réseaux associatifs ainsi que la population elle-même.  Un groupe de suivi scientifique composé d’une dizaine de chercheurs est également prévu, ainsi que  l’implication des instances participatives de la ville telle que le conseil des génération future et le conseil de la jeunesse. La ville a également prévu d’organiser des événements et activités dédiés à la résilience pour faire travailler les étudiants en design, sociologie et architecture à imaginer les quartiers résilience à l’horizon de 2050. À l’image du réseau international de villes résilientes Resilience City Network et des quartiers résilients de Rotterdam au Pays-Bas, Paris songe à la création de quartiers résilients à petite échelle.

Pour mobiliser les parisiens, des méthodes d’intelligence collective dont l’organisation d’ateliers vont être déployées. L’objectif est de faire comprendre à la population ce qu’est la résilience et qu’il y aura des impacts sur notre façon de vivre et consommée : “anticiper, traverser, puis se métamorphoser pour aller vers quelque chose de meilleur en commun”. Il faut sensibiliser, diffuser la culture de la résilience et dépasser la crise. A titre d’exemple, l’exposition Renaissance de la Cité des sciences et industrie sera mise en circulation dans les mairies d’arrondissement, la Ville de Paris organisera également des événements lors de la journée du 13 octobre et des appels à projets artistiques, des ateliers d’écritures, des sensibilisations dans des collèges.

L’enjeu est de faire prendre conscience mais d’éviter le  phénomène d’éco-anxiété

La Ville de Paris travaille également sur des scénarios de prospectives. En plus des exercices de crise classiques, la ville compte organiser pour la première fois en automne 2023, la simulation d’un dôme de chaleur (canicule longue) lors de l’exercice dit “Paris 50°C”. Au vu du réchauffement climatique, en effet les scientifiques considèrent que ces températures sont très envisageables dans les prochaines années ou dizaines d’années. Cet exercice mettra en épreuve les principaux acteurs en salle de gestion de crise mais également la population dans une partie de la ville. Cet exercice n’a pas pour but d’être anxiogène mais de préparer les gens à faire face aux canicules afin de  les faire réfléchir sur les stratégies d’action à mettre en œuvre les jours où les chaleurs extrêmes se produisent L’enjeu est de diffuser la culture du risque sans développer l’anxiété.

La Ville de Paris a lancé sa deuxième stratégie de résilience. Le prochain jalon à court terme sera les JO 2024, il conviendra d’être entraîné et prêt le plus possible en matière de résilience et de gestion de crise.

De manière générale, comparé à d’autres pays comme les États-Unis ou le Japon, il est constaté que la France est peu habituée aux exercices de crise réguliers et par conséquent la population n’est pas assez formée au risque. Cette culture est à diffuser à l’échelle des municipalités et de l’État. Cela est difficile à effectuer car par essence une culture est très difficile à faire évoluer. Cependant, la population perçoit et comprend de mieux en mieux le concept complexe de la résilience à travers le changement climatique.

Nota bene  : 

* Du fait de son statut particulier, la Ville de Paris travaille main dans la main avec la Préfecture de  Police pour la gestion et les exercices de crise. En cas de crise, le maire est le directeur des opérations de secours (DOS), lorsque la situation dépasse ses prérogatives, le préfet de police devient le DOS. 

** La résilience et la gestion de crise sont deux services différents à la Ville de Paris. Ce n’est que depuis 2020 que la délégation sur la résilience est confiée à des élus. Sous la mandature précédente, aucun maire en France n’avait un chargé de résilience. Pour la gestion de crise, il y a un service à la Ville piloté par le secrétariat général. Ces derniers travaillent ensemble.  Dans le futur, il est probable qu’un élu sera chargé des deux.

Evgueny Vassiliev.

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