A l’instar des risques naturels, technologiques ou encore sécuritaires, une utilisation illégale des prérogatives d’une personne publique peut mettre en danger les administrés et le bon développement de la collectivité.
Dans cet objectif, le 9 décembre 2016, est votée la loi « Relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », dite loi « Sapin II ». Elle prévoit, entre autres, la création de l’Agence Française Anticorruption (AFA), dont la mission est d’aider la personne publique à prévenir et détecter les atteintes à la probité. En parallèle, les collectivités territoriales ont l’obligation de mettre en place des procédures pour prévenir et détecter ces atteintes. Charge à l’AFA de contrôler la qualité des procédures mises en place. À ce titre, elle a publié en avril 2022 un rapport sur l’état des lieux du déploiement des procédures anti-corruption pour en mesurer la progression depuis 2018, date du dernier rapport.
Vous pouvez retrouver la définition des atteintes à la probité évoquées dans le rapport à la fin de cet article.
Méthodologie d’enquête
L’enquête a porté sur environ 35 000 communes, 95 départements, des établissements publics (dont 1 253 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) et 95 centres de gestion. A contrario de l’enquête de 2018 qui visait l’ensemble des agents publics, celle de 2022 a été ciblée sur les instances dirigeantes. Afin d’éviter tout biais, le questionnaire est anonyme.
Résultats par collectivités
Au niveau communal, les résultats montrent que le risque de corruption est le plus élevé, mais inégal selon la taille de l’agglomération. En effet, 41% des communes de plus de 10 000 habitants ont recensé au moins un cas de corruption. Ce pourcentage tombe à 10% lorsqu’on parle des communes de moins de 3 500 habitants. Nous retrouvons des pourcentages dans les mêmes proportions concernant les procédures disciplinaires faisant suite à ces cas de corruption. La mise en place des dispositifs anti-corruption progresse mais également de manière inégale selon la taille des communes.
Au niveau intercommunal les cas de corruption sont en baisse, atteignant 11% des répondants, avec un effet ciseaux du taux de recours à la procédure disciplinaire. 68% des cas de corruption font l’objet d’une procédure disciplinaire et 75% d’entre elles aboutissent à une sanction.
Enfin, les départements font état de cas d’atteinte à la probité dans 44% des cas. 76% de ces atteintes font l’objet de procédures disciplinaires qui aboutissent à des sanctions dans 90% des cas.
Le niveau communal semble donc être le plus touché par les cas d’atteinte à la probité. Cela peut s’expliquer par la multiplicité des répondants et leur diversité. Si les grandes communes semblent efficaces dans la lutte, les petites communes ont plus de mal à dégager les moyens nécessaires pour mettre en place un réel dispositif anti-corruption. L’AFA constate cependant un recul de l’inaction, les dispositifs étant en cours de déploiement ou prévu avant la fin des mandatures.
Résultats par secteur d’activité
L’enquête interroge également sur les secteurs d’activités à risques. Quatre secteurs sortent du lot en affichant des taux élevés de cas d’atteinte à la probité (vous pouvez retrouver les secteurs concernés à la page 46 du rapport, accessible ici) :
- Commande publique (et marchés publics) : 67%
- Construction des équipements ou bâtiments : 40%
- Urbanisme et foncier : 38%
- Subventions : 30%
Lecture : 67% des répondants estiment que la commande publique est un secteur à risque de corruption
Le dispositif anti-corruption de l’AFA
Pour aider les collectivités, l’AFA propose un modèle de dispositif anti-corruption. Étant donné l’hétérogénéité des acteurs concernés, l’agence précise que ce plan doit être adapté à la taille aux moyens de la collectivité. Le dispositif repose sur trois piliers :
- Engagement de l’instance dirigeante
- Cartographie des risques (identifier, évaluer et hiérarchiser les risques)
- Gestion des risques identifiés
Ce dernier pilier se divise en trois phases d’actions : la prévention, la détection et la remédiation. Il s’agit dans un premier temps de prévenir les risques en élaborant un code de conduite, en mettant en place des activités de formations ou encore en évaluant l’intégrité des tiers (cette liste n’étant pas exhaustive). Dans le même temps, il faut pouvoir détecter les atteintes à la probité via deux outils recommandés par l’AFA : l’audit, interne comme externe, et le contrôle interne. Enfin, dans un second temps, figurent les activités de remédiation en engageant des mesures correctrices soutenues par un régime disciplinaire efficace.
L’ensemble de ces éléments sont développés à la page 24 du rapport, accessible ici.
Vous pouvez retrouver l’intégralité du rapport en suivant ce lien
À des fins de simplification, on entendra par « personne publique » une personne dépositaire de l’autorité publique OU chargée de mission de service public OU investie d’un mandat électif public OU exerçant des fonctions de représentant d’une personne morale publique OU toute personne agissant pour le compte des personnes mentionnées.
Corruption (Art. 432-11 et 433-1 du Code pénal) : en échange d’un avantage personnel, une personne publique accomplit ou s’abstient d’accomplir un acte de sa fonction. Ex : un maire est poursuivi pour avoir octroyé des marchés publics en contrepartie du financement de sa campagne électorale
Trafic d’influence (Art. 432-11 et 433-1 du Code pénal) : en échange d’un avantage personnel, une personne publique abuse de son influence réelle ou supposée sur un tiers. Ex : une société verse des fonds à un maire pour obtenir une modification du permis de construire
Prise illégale d’intérêts (Art. 432-12 du Code pénal) : une personne publique conserve, directement ou indirectement, des intérêts pouvant compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité. Ex : des conseillers municipaux participent à des délibérations pour que des terrains soient constructibles, mais ces terrains leurs appartiennent
Favoritisme (Art. 432-14 du Code pénal) : une personne publique va, ou va tenter, de donner un avantage injustifié à un acteur, peu importe les résultats. Ex : lors d’une procédure de marché public, la personne publique va élaborer le cahier des charges avec une entreprise pour être sûre qu’elle soit la seule à pouvoir répondre au marché
Détournement de fonds publics (Art. 432-15 et 432-16 du Code pénal) : la personne publique, qui s’est vu remettre des fonds, effets ou actes en vue de sa mission ou de sa fonction, les détourne ou les détruits. Il se comporte comme le propriétaire de ces biens. Ex : une personne publique utilise des fonds d’enrobement d’une route pour enrober des routes appartenant au domaine privé
Concussion (Art. 432-10 du Code pénal) : une personne publique perçoit ou exonère, sans justification, certains acteurs de taxes, impôts, redevances, etc. Ex : des fonctionnaires vendent des billets d’entrée à la piscine municipale alors que l’entrée est gratuite
Auteur : Clément KAROUBI
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