Le 18 avril dernier, Monsieur Eric Ménassi, maire de Trèbes (11) depuis 2014 et également premier Vice-Président de l’agglomération de Carcassonne; et Monsieur Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule (06) depuis 2017 et premier Vice-Président de l’agglomération Cannes-Pays de Lérins, étaient les intervenants du Petit-Déjeuner mensuel organisé par le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale (HCFRN), au restaurant du Sénat. Ces deux invités sont également coprésidents du Groupe de travail “Risques et Crises” de l’Association des Maires de France (AMF).
La séance a été présidée et animée par le général Richard Lizurey, nouveau président du HCFRN, en présence du Directeur Général de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises, monsieur Alain Thirion; de l’ancien député du Var, monsieur Fabien Matras, ainsi que des représentants du Ministère de la Transition écologique.
Cet échange portait sur la gestion des risques et des crises au niveau communal, au travers de la figure du maire.
Les rôles du maire
En gestion de crise, le maire est le représentant de l’Etat, de sa commune, de sa population et occupe la fonction de Directeur des Opérations de Secours (DOS). Monsieur Sébastien Leroy rappelle qu’en tant qu’élu local, en plus de constituer un lien entre les citoyens et l’Etat, le maire est responsable de son territoire et de l’alerte à sa population. En gestion de crise, il a un rôle d’anticipation, de connaissance et surtout un rôle opérationnel. Monsieur Leroy indique qu’il est essentiel d’aller plus loin que les textes réglementaires dans la définition et la mise en pratique de ce rôle car “au moment où la crise survient, il est trop tard pour réfléchir.”
Cependant, il est indiqué lors du débat que les territoires perdent de plus en plus de leurs compétences et que le maire n’est pas indépendant dans sa prise de décision. Par exemple concernant le Plan Local d’Urbanisme (PLU), ce dernier est décidé au niveau intercommunal au travers de l’Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) et le préfet préside les réunions de travail.
Le rôle du Groupe de travail de l’AMF
L’objectif du Groupe de travail “Risques et Crises” de l’AMF est de sensibiliser les élus aux risques en étant au plus près du terrain. En effet, de nombreux élus sont convaincus que leur territoire ne nécessite pas d’aménagement particulier, d’autres estiment être déjà préparés face à tous les risques.
David Lisnard, Président de l’AMF, a donné un an à ce groupe de travail pour faire un état des lieux général de la gestion des risques en France, d’un point de vue communal. Ce livrable doit être publié au prochain Congrès des Maires, en novembre 2023.
Mais pour parvenir à cela il est nécessaire que ce groupe de travail obtienne une forme de légitimité en travaillant avec l’Etat, les pompiers, etc. Les premiers à convaincre sont les équipes municipales, avant même la population.
De plus, l’AMF a un rôle de référence en France car elle est universelle et inclusive. En effet, cette association accueille tous les maires nationaux, sans conditions liées au nombre d’habitants.
Pour aider les communes à mieux appréhender les catastrophes naturelles et leurs conséquences pour les populations, deux axes sont poursuivis:
- la dimension réglementaire obligatoire
- la capacité d’adaptation au travers d’une connaissance du territoire
Sur la base du volontariat, un audit est mis en place dans des communes test, en métropole et dans les territoires d’outre-mer. Un référent est désigné sur le terrain pour communiquer et sensibiliser les élus qui ont tous d’importantes responsabilités dans le domaine de la gestion des risques.
Le but final est d’arriver à une homogénéisation et à une simplification de la méthode opérationnelle, tout en écoutant les territoires. Cette méthode a pour finalité d’être déployée partout, sans ajouter de documentations supplémentaires. Avec la loi Matras de 2021, le nombre de communes soumises à une obligation de Plan Communal de Sauvegarde est passé de 10 000 à 22 000 communes.
A l’heure actuelle aucun processus-type n’est disponible, menant à un décalage entre les communes très en avance et celles plutôt en retard. Au travers de ce travail, il serait possible de fournir un exemple de bonnes pratiques, un exemple qui fonctionne pour toutes les communes. Il est également nécessaire de prendre en compte, dans ce processus, le changement climatique qui oblige aujourd’hui les communes à agir.
Les cas particuliers de Mandelieu-la-Napoule et de Trèbes
A la suite des inondations de 2018, la ville de Trèbes a vu un de ses quartiers rasé. L’aide de l’Etat, au travers du Fonds Barnier, a été essentielle pour se rétablir suite à la crise. Le Maire a également été important dans la gestion de cette crise, notamment pour l’expropriation définitive. La figure de proximité que représente le maire est essentielle dans le dialogue avec les citoyens.
Cette catastrophe a également entraîné un changement de paradigme dans la façon de gérer les cours d’eau. Avant les inondations des années 2000-2010, la solution envisagée consistait en des barrages. Or, il est désormais clair que la meilleure solution est en fait d’élargir le lit du cours d’eau afin de lui laisser de la place latéralement en cas de crue.
De la même manière, la ville de Mandelieu-la-Napoule a connu de nombreux épisodes de crues torrentielles. Pourtant, avant 2019, peu de choses étaient mises en place pour être prêt face à un tel risque. En 2012 la commune signe le Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) mais ne va pas plus loin dans les démarches. Il en va de même à la suite des inondations de 2015. Le problème c’est que ce Programme correspond seulement à une convention financière. En 2019, deux crues dévastatrices se produisent, à chaque fois avec un scénario différent et en l’espace de seulement 6 jours. Il s’avère donc nécessaire d’agir face au risque inondation. Après la crise, une cellule de travail est mise en place au travers de tables rondes tous les 15 jours, pendant près d’un an et demi. Ce Groupe de travail réunit des agents de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM), des agents de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) ainsi que des propriétaires fonciers. L’intérêt de ces tables rondes est de partager ce que chaque acteur met en place, de communiquer sur la prise de décision.
L’amélioration des services est continue et l’apprentissage permanent. Par exemple, à la suite des inondations, Mandelieu-la-Napoule a obtenu de l’aide via son jumelage avec une ville allemande, dans ce contexte le maire s’est rendu compte que les camions français étaient pertinents pour les feux de forêts mais les camions pompes allemands beaucoup plus pour le désengorgement des zones inondées.
Il est compliqué de prendre la mesure d’un risque avant d’y être confronté et c’est ce que souligne Eric Ménassi: “qui aurait pu prévoir un attentat terroriste sur une commune de 6 000 habitants ?” Pourtant c’est ce qui s’est déroulé le 23 mars 2018 dans la ville de Trèbes.
De la même manière, le maire de Trèbes n’avait pas pour priorité l’aménagement du territoire en 2014 : la volonté était de s’agrandir, de faire venir des entreprises sur le territoire etc. Et pourtant des crues torrentielles se sont produites en 2014 et en 2018. C’est en cela que les crises permettent parfois d’enfin changer les choses, d’agir, sans blocages.
Les priorités de la gestion des risques au niveau communal
Les systèmes d’alerte doivent être améliorés. En 2015, les citoyens de la ville de Mandelieu-la-Napoule n’avaient presque aucune notion sur les actions à prendre en cas de retentissement des sirènes : il faut donc mettre en place une éducation autour de ces questions. Le réseau FR-Alert est une démarche très intéressante pour alerter les populations en temps réel, il fonctionne sur tout le territoire.
L’information en direct joue un rôle primordial dans la gestion des crises. Si nous reprenons l’exemple de la ville de Trèbes, lors des inondations d’octobre 2018, l’information consistait seulement en une vigilance orange. Or finalement, les précipitations ont été plus importantes que celles annoncées et à ce moment-là, il est trop tard pour évacuer la population.
C’est ce qui pousse aujourd’hui les acteurs à lancer l’alerte dès qu’il y a un risque possible, notamment dans le but de montrer qu’on a fait le nécessaire. Des évacuations préventives sont mises en place dans certaines communes pour pallier ce manque de prévisibilité.
La gestion de la presse est un point important dans l’urgence. De nos jours, les informations circulent de manière rapide et si le maire ne communique pas, alors les citoyens vont chercher l’information ailleurs, augmentant le risque de fausses rumeurs pouvant avoir des conséquences désastreuses.
L’éducation et la culture du risque sont également des vecteurs d’amélioration. En effet, les crises ne sont plus seulement naturelles, elles sont aussi liées à l’humain. A titre d’exemple, 9 feux de forêts sur 10 ont une origine humaine. Le citoyen n’a souvent pas les bons réflexes, d’où la nécessité d’une éducation à la culture du risque.
La France n’est pas autant avancée que le Japon dans cette éducation, il est donc nécessaire de rendre les aménagements visibles : construction en hauteur et / ou sur pilotis, panneaux etc.
La dimension mémorielle fait partie intégrante de cette culture du risque, même si parfois cette cérémonie peut être dure émotionnellement pour la population car elle rappelle un sinistre, souvent meurtrier.
Exercices et nécessité de résilience
Concernant les exercices en cas d’accident nucléaire, il y a longtemps eu un frein de la part des pouvoirs publics qui ne souhaitaient pas impliquer la population dans ce type d’exercices, or sans elle, la stratégie s’avère presque inutile.
Du côté des exercices en prévision de catastrophes naturelles, ils sont encore trop théoriques en France. Les acteurs territoriaux se sentent prêts mais les conditions ne sont pas assez réalistes. Par exemple, lors d’un sinistre il est courant que les moyens de communications soient interrompus, tout comme les caméras de surveillance ou l’éclairage public. Mais les exercices ne prennent pas en compte ces différentes situations.
La résilience semble être un élément clé, qui nécessite d’être pris en compte par les élus. Le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale (HCFRN) travaille notamment sur la résilience depuis une quinzaine d’années. Le label Résilience France Collectivités a été inscrit comme un axe stratégique favorisant la résilience des territoires par le Ministère de la Transition écologique en 2021.
Léa BRUGERE LAUZE
Pour aller plus loin :
Clément Karoubi, « Gestion de crise – Le rôle du maire », blog Label Résilience France Collectivités, juin 2022.
https://label-resilience-france-collectivites.fr/gestion-de-crise-le-role-du-maire/
Giordan Sandra
Pour avoir été un acteur lors de la gestion de crise de la Tempête Alex les exercices sont essentiels. De plus, il faut développer une culture du risque dès le plus jeune âge.