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Une nouvelle étape dans l’adaptation du modèle de sécurité civile français a été franchie le 9 décembre 2022 avec la publication au Journal officiel d’un décret d’application précisant les modalités d’organisation des exercices prévus dans les PCS et PICS (décret n° 2022-1532 du 8 décembre 2022). L’article 11 de la loi Matras prévoit en effet l’organisation, tous les cinq ans, « d’un exercice associant les communes et les services concourant à la sécurité civile » et, « si possible », la population dans le cadre de la mise en œuvre du PCS ou du PICS. Ce décret est entré en vigueur le 10 décembre 2022.

Les éléments clés du décret :

Les modalités d’élaboration d’un exercice (Art. D. 731-10.) sont les suivantes :

  • Le cadre d’organisation : l’exercice peut être organisé “dans un cadre communal”, “de mutualisation communale” ou “dans le cadre du ou des établissements intercommunaux”.
  • L’association aux exercices départementaux : la possibilité d’associer ces exercices aux exercices départementaux de sécurité civile fixés par le préfet de département.
  • L’association aux exercices du plan ORSEC : l’association des communes et EPCI à fiscalité propre aux exercices de mise en œuvre du plan ORSEC intéressant leur territoire.

La participation de la population (Art. D. 731-11.), celle-ci peut être associée de diverses manières :

  • Par le déclenchement des dispositifs d’alerte
  • Par sa participation directe à l’exercice (notamment dans l’application des mesures de mise à l’abri ou d’évacuation) puis au retour d’expérience
  • Par association à une campagne d’information relative au thème de l’exercice
  • Par l’activation de la réserve communale de sécurité civile, des associations agréées de sécurité civile et des bénévoles à disposition

L’élaboration d’un retour d’expérience avec tous les acteurs associés à l’exercice (Art. D. 731-12.) : “Chaque exercice communal ou intercommunal fait l’objet d’un retour d’expérience. Ce dernier comporte des préconisations permettant d’ajuster ou de confirmer les mesures des plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde.”

Une exception en cas de survenue d’un événement ayant entraîné le déclenchement du PCS ou PICS dans les cinq années séparant deux exercices (Art. D. 731-13.) : “Un événement ayant entraîné la mise en œuvre du plan communal ou intercommunal de sauvegarde dans le délai mentionné aux articles L. 731-3 et L. 731-4 remplace l’exigence de réalisation d’un exercice.”

La démarche de préparation des entraînements et exercices de gestion de crise, source : EPISEINE

L’intérêt des exercices de crise pour les collectivités

Cet été 2022, les épisodes de méga-feux de forêts ont illustré la nécessité pour les collectivités de se préparer aux événements majeurs, notamment naturels, qui sont amenés à se multiplier avec le changement climatique. Les exercices constituent à cet égard un outil précieux pour s’entraîner à la gestion d’événements imprévus et déstabilisateurs, et donc générateurs de crise. La capacité à gérer une crise n’est en outre pas innée, elle requiert certains savoirs (voir les certifications en gestion de crise), mais aussi des savoir-faire et des savoir-être qui doivent être développés lors de ces entraînements. En somme, l’exercice représente l’aboutissement de la démarche de planification.

En effet, au-delà de la simple mise en place du PCS ou du PICS, il est crucial de s’assurer que celui-ci fonctionnera en situation réelle. A ce titre, l’exercice de crise permet de vérifier son caractère opérationnel, en passant de la théorie à la pratique et en activant de manière fictive le Poste de commandement communal (PCC). Il remplit ainsi plusieurs fonctions :

  • Valider les procédures prévues dans le cadre du PCS/PICS et leurs délais de mise en oeuvre (remontée d’alerte, gestion de crise)
  • Préparer les acteurs impliqués à l’exercice de leurs responsabilités en temps de crise
  • S’assurer de la capacité des membres de la cellule de crise à s’approprier le dispositif de gestion de crise
  • Mettre à l’épreuve la logistique prévue pour la gestion de crise
  • Tester la capacité des acteurs impliqués à communiquer efficacement en temps de crise
  • Générer des réflexes et automatismes chez les participants en vue d’une meilleure gestion du stress lors de futures crises
  • Identifier les lacunes et des axes d’amélioration des plans et ainsi corriger les dysfonctionnements du PCS ou du PICS

L’organisation d’un exercice de crise

L’organisation d’un exercice de crise se déroule en trois étapes principales :

  • La préparation : Il est d’abord nécessaire d’identifier les objectifs de l’exercice (par exemple tester le système d’alerte, la mobilisation des ressources ou la sécurisation des personnes) ainsi que les participants (uniquement les membres du PCC ou des acteurs extérieurs tels que la population). L’exercice de crise peut prendre de nombreuses formes : annoncé ou inopiné, partiel (afin de tester un dispositif particulier) ou général (afin de tester l’ensemble du PCS). Ces choix permettent de rédiger un scénario – le plus réaliste possible – en fonction de la thématique retenue et selon le risque dominant sur le territoire. Ensuite, les outils et la logistique nécessaires au bon déroulement de l’exercice peuvent être préparés. Dans le cas d’un PCS, la direction de l’exercice (DIREX) revient au maire. Il pilote notamment les réunions de préparation de l’exercice (préparation du scénario, du PCC).
  • L’animation : Les joueurs tiennent le rôle qu’ils occupent dans la réalité. L’équipe d’animation, avec à sa tête la direction de l’animation (DIRANIM) se charge de la mise en œuvre du scénario et gère la communication. Des observateurs sont présents pour prendre des notes, sans jamais interférer, pour le retour d’expérience. L’évaluateur, lui non plus, n’intervient pas, et complète une grille d’évaluation. Il s’agit d’un expert dans son domaine, capable d’attribuer un critère de performance aux actions menées dans le cadre de l’exercice.
  • Le retour d’expérience : Il s’agit une composante essentielle de l’exercice et se réalise en trois étapes. D’abord, un bilan général “à chaud” est dressé juste après l’exercice. Chaque participant partage son ressenti. Un questionnaire individuel écrit peut aussi être distribué. Quelques semaines après la fin de l’exercice, une synthèse de l’exercice est rédigée sous la supervision du maire. Enfin, dans les trois mois suivant la fin de l’exercice, une réunion “à froid” est organisée dans le but de tirer des leçons de l’exercice, de corriger les lacunes identifiées et de formuler des recommandations en vue de l’amélioration du PCS/PICS.

Les différentes typologies d’exercice d’après la Direction de la sécurité civile du ministère de l’Intérieur

Le choix du type d’exercice constitue une décision importante qui doit être prise en fonction des objectifs poursuivis. Il existe en effet différents types et typologies d’exercice.

Une première classification différencie les exercices partiels et les exercices généraux.

  • Les exercices partiels : un exercice est qualifié de partiel lorsque le nombre d’objectifs à atteindre et/ou le nombre de participants sont limités. Ils permettent de mettre en œuvre uniquement une partie d’un plan ou un élément du processus de gestion de crise (par exemple, tester le fonctionnement de la cellule de crise ou l’échange d’information et les liaisons entre PC). Leur avantage principal est une organisation facilitée ainsi qu’un suivi plus précis des actions mises en œuvre. 
  • Les exercices généraux : un exercice général met en œuvre l’intégralité d’un dispositif de gestion de crise par une simulation globale d’un événement de crise. Il permet ainsi de tester le dispositif dans son ensemble, dans le contexte le plus réaliste possible. Ce type d’exercice est donc particulièrement utile pour éprouver la cohérence globale du plan de gestion de crise.

Il est également possible de distinguer les exercices selon le niveau de jeu (défini en fonction des acteurs associés dans le paragraphe 3 de l’annexe de la loi de modernisation de la sécurité civile) :

  • Les exercices cadre et d’états-majors : ils sont organisés sur table, en PC et traitent un thème ou un cas précis grâce à des fiches d’animation.
  • Les exercices de terrain : ces exercices associent divers acteurs de la gestion des crises et sont organisés en grandeur réelle sur le terrain.
  • Les exercices associant la population : il s’agit par exemple des exercices simulant une évacuation ou un confinement.

Enfin, les exercices peuvent être réalisés de manière annoncée (les joueurs sont préalablement prévenus de la tenue de l’exercice) ou de manière inopinée (les joueurs ne s’attendent pas à faire un exercice jusqu’à qu’il soit annoncé).

  • L’exercice annoncé permet de clôturer le travail de planification et est souvent réalisé devant des observateurs (autorités et/ou médias) à des fins de démonstration
  • Les exercices inopinés visent davantage à tester la capacité de réaction des participants face à une crise à laquelle ils n’ont pas pu se préparer.

Les exercices de crise du HCFRN

Depuis sa création, le HCFRN développe son expertise en matière de gestion de crise. L’association, à l’époque appelée HCFDC (Haut comité français pour la défense civile), a organisé à plusieurs reprises des exercices de crise annoncés et inopinés, sur table et sur terrain à grande échelle.

  • L’exercice de crise terrain « full-scale » 36h non-stop en Corse (2016) 
Simulation lors de l’exercice de crise « full-scale » 36h non-stop en Corse

Du 25 au 27 mai 2016, le HCFDC a tenu un exercice de crise “full-scale” 36h non-stop en Corse. Lors de cet exercice, les 48 stagiaires (15 ayant suivi la session nationale, 28 cadres d’un opérateur d’infrastructure, et 5 personnes extérieures) ont participé à un événement de grande ampleur organisé en partenariat avec le SDIS 2B et mobilisant 40 animateurs et 350 hommes. D’autres unités spécialisées civiles et militaires ont également collaboré, notamment l’Unité d’Instruction et d’Intervention de la Sécurité Civile Numéro 5 (USC 5), la DGSCGC, le RAID et le 2e REP ; ainsi que plusieurs industriels. L’exercice était réparti sur trois sites d’opération : un PCO installé à Calvi, un PCC à Calenzana, et l’animation commandée depuis Paris. Dix personnes assurent en permanence l’animation depuis la capitale à l’aide de relais sur le terrain. La cellule était notamment chargée d’alimenter une pression médiatique simulée : un faux journal télévisé était réalisé chaque heure grâce à des images captées par trois JRI situés en Corse et une plateforme de simulation Twitter avait été mise en place. Le scénario comportait trois phases : l’une simulant une prise d’otage, une autre un séisme (avec mise en œuvre du plan NOVI) et la dernière une évacuation de ressortissants. Cet exercice a permis aux participants d’acquérir les mécanismes de gestion de crise aux niveaux stratégique et opérationnel ; d’évoluer dans un environnement mêlant national et international et acteurs publics et privés, civils et militaires ; d’apprendre à gérer une crise dans la durée ; et de prendre conscience des problématiques liées aux facteurs humains et à la relève.

Poste communal de commandement (PCC) de Calenzana lors de l’exercice de crise « full-scale » 36h non-stop en Corse
  • L’exercice de crise sur table ECOP15 de simulation d’une crue centennale à Paris

Du 29 au 30 septembre 2015, la Ville de Paris a fait appel au HCFDC pour l’assister dans la réalisation d’un exercice sur le thème de la gestion d’une crue centennale. D’une durée de 23 heures, celui-ci a notamment impliqué le secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris (SGZDS – préfecture de police) et 12 opérateurs des réseaux parisiens (ERDF, GRDF, RATP, SNCF, CPCU, CLIMESPACE, EAU de PARIS, ORANGE, FRANCE TELEVISIONS, EVESA, SYCTOM, SIAAP), ainsi que les 21 services municipaux. Au total, 41 cellules de crise et 354 personnes étaient mobilisées. Il s’agissait d’un exercice sur table, suivi de deux retours d’expérience, à chaud puis à froid. L’exercice a permis de tester la fiabilité des PCA de chaque direction ; d’identifier les éventuels dysfonctionnements ; de familiariser les acteurs avec le fonctionnement d’une cellule de crise ; et d’améliorer la coordination entre les différentes parties prenantes.

L’exercice sur table ECOP15 de la Ville de Paris sur le thème de la crue centennale

Avec le changement climatique, la survenue d’événements climatiques extrêmes est amenée à augmenter. La tenue d’exercice de crise permet de mettre en pratique les plans élaborés par les collectivités et de tester leur capacité de réponse aux crises. Elle est donc indispensable. Le décret n° 2022-1532 du 8 décembre 2022 vient préciser les modalités de ces exercices. Ainsi, il accompagne les collectivités qui devront s’approprier les exercices de gestion de crise prévus dans les PCS et PICS afin d’améliorer leur résilience.

Karla Fontaine

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